30 octobre 2025   //     Newsletter 10.2025

Réforme du paysage hospitalier: GIBBIS présente sa vision

La réforme du paysage hospitalier est toujours en gestation. Dans ce cadre, GIBBIS a élaboré une note stratégique qui reprend son positionnement et des suggestions tenant compte des spécificités de Bruxelles. Rencontre avec Mathilde Coëffé, coordinatrice du Groupe Hôpitaux généraux au sein de GIBBIS.

 

D’où est venue l’idée de cette note stratégique ? À qui s’adresse-t-elle ?

M.C. : Pour continuer à garantir des soins accessibles et de qualité pour tous, les hôpitaux généraux et académiques bruxellois sont tout à fait conscients qu’une réforme du paysage hospitalier est nécessaire. Pression financière de plus en plus importante comme le montre d’année en année l’étude MAHA de Belfius, pénurie du personnel médical et soignant, absence de plan de construction depuis des années. Bref, les difficultés à Bruxelles sont particulièrement exacerbées.  En outre, en tant que fédération hospitalière, il nous semblait important de travailler à des propositions pour évoluer et s’adapter aux nouveaux besoins.

En tant que coordinatrice du Groupe Hôpitaux généraux de GIBBIS, cela a été un plaisir de voir l’ensemble des directions de nos hôpitaux s’investir dans les réflexions, ce qui nous a permis de nous positionner d’une seule voix.

Nous avons transmis cette note aux différents niveaux de pouvoir car nous sommes convaincus qu’une réforme du paysage hospitalier ne pourra réussir que si elle est portée par toutes les autorités compétentes, et certainement à Bruxelles. Cette réforme se discute au niveau de la CIM Santé publique. Par ailleurs, étant donné l’absence de gouvernement à Bruxelles, il nous semble d’autant plus important de diffuser le plus largement possible notre vision pour la Région bruxelloise afin de garantir la prise en considération des spécificités de notre capitale.

Quels sont pour GIBBIS les piliers d’une réforme du paysage hospitalier qui tient compte des spécificités de Bruxelles ?

M.C. : Le secteur hospitalier mérite une réforme approfondie, tant au niveau du paysage hospitalier que de son financement. En tant que fédération bruxelloise, nous sommes et resterons très attentifs à ce que les grandes lignes de cette réforme soient compatibles avec les besoins bruxellois.

À nos yeux, cette réforme doit reposer sur trois grands piliers :

Tout d’abord, assurer une collaboration efficace entre le secteur ambulatoire et le secteur hospitalier. La réforme doit garantir que le patient soit pris en charge au bon endroit et que seuls les patients qui nécessitent une prise en charge hospitalière soient admis dans les hôpitaux. La demande de soins en dehors des hôpitaux va donc augmenter de sorte qu’il sera important d’accompagner la réforme du paysage hospitalier d’une réforme du secteur ambulatoire. C’est important pour Bruxelles qui fait actuellement face à un manque de réponses ambulatoires structurées. Dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme, il sera également important de tenir compte de ce qui existe car Bruxelles dispose déjà d’une offre de soins de qualité sur laquelle il faut absolument s’appuyer.

Ensuite, tenir compte des spécificités de la métropole bruxelloise. La réforme doit prendre en compte les besoins spécifiques des patients se rendant dans les hôpitaux bruxellois, c’est-à-dire les patients bruxellois, mais aussi tous les patients qui se font soigner à Bruxelles mais qui habitent en dehors de la Région bruxelloise. Rappelons que 39% des patients hospitalisés ne sont pas domiciliés à Bruxelles, ce qui doit être un point d’attention dans l’organisation de l’offre de soins à Bruxelles. Revenons aussi sur les réalités propres à la population bruxelloise : une densité importante, des inégalités socio-économiques fortes et une multiculturalité qui sont autant de facteurs dont il faut tenir compte dans les réflexions pour faire évoluer l’offre de soins à Bruxelles.

Enfin, tenir compte du tissu architectural urbain. La réforme doit s’imprégner du modèle urbain, notamment au niveau de l’infrastructure. La révision du modèle organisationnel du paysage hospitalier devra offrir la flexibilité nécessaire pour ne pas imposer des changements d’infrastructure qui seraient impossibles à réaliser dans notre Région.

De quelles garanties a besoin le secteur pour pouvoir s’investir dans une telle réforme ?

M.C. : Le premier élément à prendre en considération pour le secteur hospitalier bruxellois est l’importance d’avoir une vision commune des différentes entités compétentes qui fixent conjointement un calendrier commun. Le timing de la réforme devra notamment tenir compte de l’absence de clarté quant à un futur calendrier de construction à Bruxelles. Il sera dès lors important de laisser un temps suffisant aux institutions (en lien avec les calendriers de construction) pour s’adapter au nouveau paysage hospitalier souhaité.

Par ailleurs, des garanties devront également être apportées par les autorités pour que le secteur puisse s’engager dans une telle réforme :

  • une stabilité financière pendant la transition et un soutien financier fédéral temporaire pour couvrir les frais de transition (reconversion ou fermeture de lits) ;
  • une révision de la programmation pour répondre à l’évolution des besoins à Bruxelles, en tenant compte des nombreux patients venus des autres régions ;
  • des incitants aux rapprochements entre hôpitaux dans la réforme du financement et dans un cadre réglementaire simplifié ;
  • veiller à garder les hôpitaux attractifs pour le personnel médical et soignant face à une tendance vers plus de pratiques en dehors des hôpitaux.

Dans sa note, GIBBIS propose trois concepts. Quels sont-ils ?

M.C. : Avant de revenir sur les trois concepts proposés, il me semble important de rappeler que l’évolution du paysage hospitalier suggérée permet d’évoluer vers une plus grande spécialisation des sites hospitaliers, une plus grande concentration des fonctions de référence (avec un rôle spécifique pour l’hôpital académique et des missions qui lui seront réservées) ainsi qu’une plus grande collaboration entre les acteurs hospitaliers.

Les trois concepts proposés sont les suivants :

D’une part, nous proposons deux concepts au niveau des hôpitaux mêmes :

  • Acute care center(centre de soins aigus) : Ce concept recouvre l’offre hospitalière classique, avec les urgences, les soins intensifs, mais également les hospitalisations programmées ou non. Nous considérons qu’un tel centre doit offrir au moins 200 lits et que seuls ceux dépassant les 400 lits pourront fonctionner seuls.  
  • Planned care clinic(clinique de soins programmés) : Ce concept recouvre une offre hospitalière plus spécialisée qui est organisée à l’avance. Pour les soins aigus, il n’y a pas d’hospitalisation classique et les soins sont pris en charge pendant la journée. Des consultations et des hospitalisations pour des séjours en réadaptation ou psychiatriques peuvent également être proposées. Pour garantir la sécurité du patient, ces centres ne peuvent pas fonctionner seuls et doivent avoir une convention de collaboration formelle avec un acute care center de grande taille prêt à accueillir les cas nécessitant une prise en charge urgente ou complexe.

Ces deux concepts visent à la fois à diminuer le nombre de sites aigus sur Bruxelles - tout en veillant bien sûr à une répartition adéquate de l’aide médicale urgente.

D’autre part, nous amenons un nouveau concept qui entend accroître la collaboration entre tous les acteurs de la santé et notamment entre les hôpitaux et la 1ère ligne, à savoir le community center. Il se définit comme un groupement d’acteurs du social et de la santé qui se veut proche de la population pour répondre aux besoins spécifiques locaux. Un community center est une porte d’entrée identifiable et accessible vers l’offre d’aide et de soins, ancrée dans le quartier.. Il s’agit là d’un concept intéressant pour Bruxelles ou d’autres grandes villes où les réalités et les besoins en matière de santé sont souvent bien différents d’un quartier à l’autre. Ce centre aura entre autres un rôle à jouer dans la gestion des soins non planifiables d’urgence mineure afin d’offrir aux patients une prise en charge plus rapide et adaptée à leurs demandes qui ne nécessitent pas une prise en charge dans un service d’urgences hospitalier. Nous imaginons aussi lui conférer un rôle dans la prévention et l’aide sociale.

Au final, qu’est-ce qui change pour le patient ? Quels bénéfices va-t-il en retirer ?

Concrètement cette réforme offrira à chaque patient une plus grande visibilité dans l’offre de soins et une prise en charge au plus proche de ses besoins. Le patient sera directement orienté vers le bon lieu de soins, sans perte de temps ni de moyens. Il pourra ainsi bénéficier d’une prise en charge plus rapide, mieux coordonnée et de qualité.

Je suis convaincue que le futur community center jouera un rôle clé : en rapprochant certains services de la population et en facilitant la collaboration entre professionnels, il renforcera l’accessibilité et le confort du parcours de soins, en complémentarité de l’offre hospitalière.

Avec cette réforme, nous souhaitons repenser l’offre hospitalière, en lien avec une réforme de l’ambulatoire, pour maintenir une offre de soins qualitative, accessible – y compris financièrement, et plus efficace pour les patients. Cela reste notre slogan : il est essentiel que le patient puisse être soigné au bon endroit et au bon moment.

 Découvrez ici notre note stratégique complète