
Projets innovants en quête de soutien structurel
A Bruxelles, les projets innovants vivotent pour l’instant, toujours en attente de certitude quant à leur financement. Anne Champagne, membre de l’organe d’administration de GIBBIS et directrice de la Cité Sérine, qui bénéficie de subsides facultatifs annuels, témoigne de l’impact de cette incertitude sur la gestion de l’institution au quotidien.
La Cité Sérine en est un bon exemple. Il s’agit d’une structure d’hébergement thérapeutique de soins innovants tout à fait unique en Belgique, qui a vu le jour en 2000. Il s’agit d’une alternative à l’hospitalisation pour des patients de tous âges, qui souffrent de maladies chroniques ou évolutives. Ces personnes n’ont plus besoin de rester à l’hôpital puisque leur état est stabilisé, mais elles nécessitent des soins techniques complexes et/ou des soins palliatifs dont elles peuvent bénéficier à la Cité Sérine.
Cette structure d’hébergement a été subsidiée par la COCOF dans le cadre du décret ambulatoire jusque fin 2022. Ensuite est intervenu un transfert de compétences : son financement a été transféré vers la COCOM, comme cela a été le cas pour de nombreuses autres activités.
Nous rencontrons sa directrice, Anne Champagne, qui pose directement le cadre : “Il y a la situation générale et puis la situation spécifique actuelle liée à l’absence de gouvernement à Bruxelles. Nous vivons dans l’incertitude d’obtenir un subside ou non, du montant de celui-ci ainsi que du moment où on va le recevoir. En outre, il faut aussi savoir que ce subside n’est pas indexé, alors que nous sommes bien sûr tenus légalement d’indexer les salaires de notre personnel et que nous sommes confrontés comme tout le monde à l’inflation des coûts.”
Au jour le jour avec les douzièmes provisoires
Pour l’instant, en l’absence de gouvernement, l’inquiétude est palpable sur le terrain. C’est la débrouille pour les projets innovants qui bénéficient de “subsides facultatifs” car ils ne bénéficient pas d’un ancrage structurel assorti d’un financement garanti. En outre, ils sont actuellement soumis au système des douzièmes provisoires qui permettent à un gouvernement en affaires courantes d’engager certaines dépenses l’année qui suit les élections.
“Nous avons un monitoring précis de notre activité. Chaque année, un arrêté détermine les critères à remplir pour bénéficier des subsides facultatifs et dans quelle mesure. Pour 2025, l’arrêté est paru tard. La première version de l’arrêté n’octroyait que 6/12. Puis, au mois d’août, on nous a indiqué qu’un deuxième arrêté allait être publié et annuler le premier, octroyant ainsi 9/12. Cet arrêté est en effet paru le 23 septembre. Mais c’est compliqué de vivre ainsi au jour le jour”, déplore Anne Champagne.
Le stress est donc le quotidien de cette directrice qui investit tant d’énergie dans ce projet : “Concrètement, même si nous essayons de ne pas le laisser transparaître à notre personnel, nous vivons constamment avec une boule au ventre. Nous tenons énormément à nos équipes, qui ont été formées, ont développé une expertise spécifique et sont très impliquées dans le projet.”
Contraints de chercher d’autres types de subsides
D’où la nécessité d’être créatif et d’aller à la recherche d’autres types de subsides. “La Cité Sérine comporte 25 studios thérapeutiques. A titre d’exemple, depuis 2024, nous dédions cinq studios dans le cadre d’une convention conclue avec le CIRE pour l’hébergement de demandeurs d’asile en situation médicale vulnérable qui ne peuvent donc pas résider dans des centres d’asile FEDASIL communautaires. L’accompagnement offert par la Cité Sérine est de nature sociale et administrative. Cela nous permet d’avoir un revenu supplémentaire pour suppléer le manque de subsides tout en ne ‘phagocytant’ pas les ressources humaines de soins, en pénurie”, conclut Anne Champagne.
Pour GIBBIS, les projets innovants méritent un bien meilleur soutien
Actuellement, les projets innovants ne bénéficient pas d'un soutien suffisant, même lorsqu'il s'agit de véritables projets à but social qui ont prouvé leur valeur ajoutée. Pour GIBBIS, ces projets innovants sont essentiels et mériteraient d’être bien mieux soutenus.
En effet, tant que la politique relative aux projets innovants ne changera pas fondamentalement, l’incertitude actuelle qui plane sur eux restera un obstacle majeur à l'amélioration de la qualité et de l’efficacité.
Pour GIBBIS, les projets innovants doivent être renforcés de trois façons:
1. Chaque projet qui a prouvé sa valeur ajoutée doit bénéficier d’un ancrage structurel au lieu d'une reconfirmation annuelle ou bisannuelle : en effet, il est absolument essentiel de réduire le risque de coupes budgétaires aveugles. Il s’agit là d’une condition essentielle pour les investissements à long terme dans des infrastructures adaptées et pour la continuité des projets, que ce soit au travers du personnel ou de l’expertise que celui-ci développe dans ces projets.
2. Chaque projet innovant doit bénéficier de budgets indexés, afin qu'ils résistent à la hausse des coûts (salaires, énergie, etc.) au lieu de devenir de plus en plus déficitaires.
3. Les innovations doivent être élargies pour répondre aux besoins croissants, tant en termes de capacité que de diversité de leur offre – bien sûr avec des évaluations et des ajustements si nécessaire.
Un tel renforcement a déjà été initié au niveau fédéral. Il est grand temps que les autorités bruxelloises suivent cet exemple.
